Accueil A la une Réforme du système éducatif : A-t-on vraiment jeté les fondements ?

Réforme du système éducatif : A-t-on vraiment jeté les fondements ?

 

Réforme du système éducatif, cela fait plus d’une décade que l’on en parle. Tout le monde en parle, tout le monde s’y immisce. Mais concrètement, on n’a qu’à attendre, tant qu’il n’y a pas le feu aux poudres.

Finalement, et contre vents et marées, on a réussi à franchir un cap et les résultats de la consultation nationale sur la réforme du système éducatif et de l’enseignement seront prochainement annoncés par le président de la République Kaïs Saïd, selon le ministre de l’Education Mohamed Ali Boughdiri qui s’exprimait face à la presse nationale.

Un comité présidé par le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique est en train de se pencher actuellement sur l’examen des résultats de ladite consultation nationale à laquelle ont participé près de 600.000 personnes, d’après la même source. Cette consultation, rappelle-t-on, a été organisée du 15 septembre au 15 décembre 2023. Elle porte, en effet, sur cinq axes à savoir : « l’éducation précoce et la prise en charge familiale », « les programmes d’enseignement, le système d’évaluation et le temps scolaire », « la coordination entre les systèmes d’éducation, la formation professionnelle, l’enseignement supérieur et leur intégration », « la qualité de l’enseignement et la technologie numérique », « l’égalité des chances et l’apprentissage à vie ».

C’est maintenant une chose sûre : on va bientôt réformer un système éducatif déjà à bout de souffle. Notre école publique formant aujourd’hui passablement, éduquant médiocrement et figurant en queue de peloton, s’agissant des classements internationaux.

S’attardant sur les raisons d’un blocage qui n’a que trop duré, Riadh Boubaker, expert en éducation et professionnel de 40 ans d’expérience, insiste, en premier, sur les ressources utiles pour tout projet de réforme. «Il faut des ressources pour améliorer l’infrastructure, les salaires, les dispositifs pédagogiques. Or, l’on sait tous dans quel état se trouvent les recettes de l’État», fait-il observer.

Des réformes qui n’ont jamais abouti

Selon lui, le coût de la réforme pour la période 2016-2020 était estimé à 4,105 millions de dinars. Cette enveloppe devait comprendre 9 axes, à savoir l’équité et l’égalité des chances, la révision de la carte scolaire, l’optimisation des ressources humaines, le développement des acquis des apprenants et le relèvement de la qualité des apprentissages. S’y ajoutent consécutivement l’amélioration de la vie scolaire et la restructuration de l’enseignement préparatoire et secondaire, la lutte contre la déscolarisation et la promotion des technologies modernes.

L’autre obstacle sur la voie de la réforme se rapporte, à l’en croire, à un duel de longue date qui oppose les syndicats à l’autorité de tutelle. «Entre des syndicats qui cherchent, en premier lieu, l’intérêt de leurs adhérents et une autorité de tutelle qui opte pour l’intérêt général du système éducatif, les négociations se heurtent souvent à une irrémédiable divergence de points de vue. Avec l’ancien ministre de l’Education, Néji Jalloul, du 6 février 2015 au 30 avril 2017, on a échoué dans la mise en œuvre de la réforme, après l’élaboration de la loi qui devait abroger celle de 2002. Cela pour dire que l’implication excessive des syndicats a débouché sur une situation sans issue», se désole l’analyste. Le troisième facteur sapant la marche de la réforme, poursuit l’expert, est lié à la législation. «Dès lors que les lois régissant le secteur ne sont pas révisées, on ne peut pas avancer », argue-t-il.

Et M. Boubaker d’ajouter, « avoir des enseignants de haut niveau et des ressources conséquentes n’est pas suffisant pour atteindre les objectifs fixés. Il faut qu’il y ait beaucoup d’audace pour redéfinir le rôle de l’école, la place de la formation et de l’enseignant. Les réformes de 1991 et de 2002 ne sont pas exemptes de défaillances. Aujourd’hui, il faut avoir le courage de rectifier le tir et restructurer l’enseignement».

Ce diagnostic purement technique ne peut, en aucun cas, occulter le volet pédagogique en vue d’effectuer les correctifs nécessaires pour une école publique de qualité. Pallier les carences multiples affectant l’école tunisienne, en l’occurrence infrastructures vétustes, bourrage de crâne, méthodes désuètes, inégalité d’accès à un enseignement de qualité, surcharge des classes et marginalisation du corps enseignant, nécessite, de l’avis de notre interlocuteur, une volonté politique et sociétale. «Agir sur tous les axes relatifs à la réforme du système éducatif et revoir perpétuellement les contenus et ce qu’on enseigne dans un monde mouvant sont des conditions à réunir, afin d’atteindre nos objectifs», assure-t-il.

S’inspirer des expériences réussies

De l’avis des spécialistes internationaux dont la conseillère d’éducation nationale en Finlande, Kristina Kaihari, interviewée par La Presse, en matière d’éducation, la politique suivie dès la petite enfance est cruciale. En Finlande, par exemple, on réserve beaucoup d’espace pour les garderies pour garantir aux enfants épanouissement, jeu et créativité de la manière la plus souhaitée. Chaque enfant a le temps et l’espace qu’il faut pour se livrer à différentes activités libératrices et instructives.

Le jeu et le reste des activités sont planifiés de manière à renforcer la polyvalence chez les enfants. La vraie école commence à l’âge de 7 ans. Étant donné que les enfants sont différents, on leur apprend les choses différemment. Au cours des deux premières classes, les enfants apprennent des compétences de base comme la lecture, l’écriture et les mathématiques par le jeu. Il y a ceux qui sont doués et ceux qui le sont moins et qui nécessitent plus de temps et davantage d’efforts. Le niveau d’assimilation et de développement de l’enfant doit toujours être pris en compte. L’école ne représente pas nécessairement «le monde des adultes». Mais elle doit, d’une manière ou d’une autre, dire aux élèves: «Voilà notre monde et le vôtre bien évidemment».

Promouvoir la culture scolaire participative

Les systèmes éducatifs les plus performants offrent aux nouvelles générations la possibilité de mieux comprendre le monde qui les entoure. Les profondes mutations touchant les sociétés, la technologie, l’environnement, la coopération, somme toute, le monde, exigent que de nouvelles compétences soient apprises et maîtrisées.

Les élèves doivent donc avoir l’occasion de se servir de ce qu’ils ont appris dans des situations non scolaires. L’un des objectifs les plus importants de la dernière réforme des programmes d’études en Finlande, ce pays disposant du meilleur système éducatif dans le monde, consiste à promouvoir les valeurs démocratiques, la coopération et la culture scolaire participative, à travers des programmes et des pratiques adaptés. Les activités sont planifiées de façon à ce que les élèves acquièrent des compétences variées.

Reste à dire que celui qui réfléchit sur les principes d’éducation chez nous doit fermement tâcher de séparer le monde de l’éducation des autres domaines, surtout celui de la vie politique et publique. En pratique, il en résulte que, premièrement, il faudrait bien comprendre que le rôle de l’école est d’apprendre aux enfants ce qu’est le monde. Deuxièmement, on ne doit pas traiter les enfants comme des adultes.

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